La littérature est de tout temps un
chapelet de règles à suivre. Aristote, dans sa Poétique, en a délimité
les contours. La littérature est alors frontière(s). Les écrivains ou les
poètes se devaient d’écrire dans tel ou tel territoire générique sans
possibilité de mélange. Le purisme règne alors, et les lettres, tout comme les
gens de lettres, présentent un caractère sédentaire.
Pourtant, l’Antiquité a osé le
mélange, voire la fusion des arts. L’ekphrasis en est l’exemple concret. Le
visuel, le pittoresque, le descriptif, selon les traductions, se mêlent au
narratif. C’est là la première mobilité qu’a connue le domaine des Arts.
Aujourd’hui, la mobilité, aux
aspects de mue, a touché aussi les écrivains. Que ce soit sous forme d’exil,
d’errance ou de voyage, les écrivains bougent. Leur ipséité aussi. L’appel de la
mobilité et du déplacement fut tellement grand qu’ils y cédèrent et commencèrent
à vivre la séparation, mais aussi à survivre à ses conséquences :
vagabondage (Blaise Cendras), fugues (Paul Verlaine et Arthur Rimbaud), errance
(Walter Benjamin, Witold Gombrowicz), voyages
(Elias Canetti), migrations (écrivains issus des diasporas, dont la littérature
beur), exodes (Aharon Appelfeld), exil
(écrivains francophones de première génération). Cette mobilité polymorphe
n’est pas sans conséquence sur l’écrivain, en particulier, et sur la
littérature en général. Si elle était salvatrice de la fin du XVIIIe siècle
jusqu’aux années 80 du siècle dernier, d’ailleurs, « C'est la poésie qui a permis aux
Polonais de ne pas oublier leur nom et de rentrer […] dans la terre promise de
leur patrie indépendante, elle devient de proche en proche problématique.
La complétude de l’exil de jadis laisse la place à un exil au goût
d’insularité. L’écrivain reste un étranger là où il se trouve, sinon son
étrangeté surgit au moment fatidique où il se croyait “intégré” dans un pays
qu’il connaît sur le bout des doigts. Cette prise de conscience est mal vécue.
Fouad Laroui, dans Ce Vain combat que tu livres au monde, fait dire à
son personnage Ali s’adressant à sa compagne Malika : “-- Tu sais
parfaitement ce que je veux dire. Je me fais virer en tant qu’Arabe et je
continue à vivre en Français, c’est ça le deal ? Et en plus, je
dois dire merci ?” La schizophrénie commence par cette tragédie où la
chance d’être se heurte à la simulation et au je(u) d’être. L’écrivain entre
dans une discontinuité de son être. Ayant choisi ou y ayant été forcé, l’exilé
découvre qu’au lieu d’aller “des ténèbres à la Lumière » selon l’heureuse
expression d’Alain Mabanckou, il se
retrouve dans des ténèbres qui ravivent chez lui l’appartenance à une terre
qu’il a quittée.
D’autre part, cette mobilité spatiale est, aussi, linguistique. Parler
de littérature francophone, par exemple, de ce point de vue est justifié. Les
écrivains, quoiqu’ils écrivent en français, n’ont jamais quitté leur langue
maternelle, et conséquemment, leur langue et leurs origines. Le français côtoie
les autres langues dans une symbiose qui rappelle la Tour de Babel. Driss
Chraïbi, Ahmadou Kourouma, Tahar Benjelloun ou Léopold Sédar Senghor
manifestent clairement cette dualité dans leurs écrits. Cette mobilité est une
source de richesse pour la langue française, plus accueillante et plus à même
de se mouvoir dans un monde qui bouge. L’exil n’est jamais totalement vécu
comme une finitude, il est toujours une parenthèse où le passé rappelle le
présent et le futur. La complétude de l’exilé se trouve dans cette possibilité
de vivre la diversité comme une norme, y compris dans les langues qui
l’habitent.
Le colloque tentera de répondre à
ces formes de mobilité que l’argumentaire a détaillées.
Cette liste non
exhaustive d’axes à traiter est donnée à titre indicatif: