« Lorsque nous nous félicitons du succès de la photographie dans l’art actuel, il faudrait préciser de quel « art » il s’agit. Car le mot est ambigu. Arts et Métiers désigne une école d’ingénieurs, on parle de « l’art de la cuisine », de l’art de faire ceci ou cela. Le résidu commun à tous ces emplois du mot serait une notion de savoir-faire, et cela même mérite notre attention. Mais chacun comprend que l’art dont je parle ici est celui de Phidias, de Poussin, de Goya, de Matisse, celui de Chartres comme celui des masques africains. À travers cette prodigieuse diversité il y a là un concept clair, avec un contenu et ses limites.
Or, j’ouvre mon journal (Libération, 14 septembre 2005) et j’y trouve le
compte-rendu de la Huitième biennale d’art contemporain de Lyon. Il s’agit
d’attractions foraines, comme de ces labyrinthes où les visiteurs sont soumis à
des épreuves plus ou moins amusantes ou effrayantes, afin de les distraire.
Rien que de sympathique. Ces présentations jouent leur rôle, elles ont leur
place dans notre vie.
L’art qui m’intéresse n’y joue aucun rôle. Il est parallèle, étranger, à tout
ce qui est social, il ne saurait y être intégré. Notre société est en train de
passer du dressage à l’élevage, l’art qui s’en fait complice, par divers formes
d’assouvissement, ne m’intéresse pas. Je suis en quête de la photographie qui
s’interroge sur elle-même, et qui, comme tout art, remet en question son
rapport au réel. »
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Extrait de : Jean-Claude Lemagny, Silence de la photographie, présentation
Steven Bernas, éditions L’Harmattan, collection Champs visuels, 2013, page
29-30.
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Photographie P1420582 (extraite du corpus "Bréviaire Blanc des Maures") : Fès ville nouvelle, le mardi 25 février 2020.