Du 04 au 27 avril 2014, l'artiste photographe Abdelghani Bibt expose son dernier travail intitulé "Les choses de la grand-mère". Le vernissage est prévu le vendredi 4 avril 2014 à 18 heures à la galerie Mohamed
El Fassi, 1 rue Gandhi à Rabat.
Abdelghani Bibt explique sa
démarche : « En fouillant dans la maison presque en ruine de ma
grand-mère, j’ai découvert un petit sac renfermant des objets banals de son
quotidien. En les photographiant, je n’ai pas cherché à les monter en épingle
en leur donnant un sens plus élevé. Je n’ai fait que les exposer à ma lumière
photographique. Ce n’est pas par amour des ruines comme disait Walter Benjamin,
mais pour l’amour du chemin qui se fraie un passage au travers. »
Nous donnons en lecture le texte de présentation de cette série:
Les photos qui composent
cette série permettent de lever le voile sur le mystère que renferment les plis
et les replis du sac de la grand-mère. Le photographe ne s’est pas contenté de
dresser un inventaire distancié et froid du contenu du cabas de son aïeule.
Il ne s’agit pas ici
d’inscrire le travail dans cette tendance photographique actuelle qui consiste
chez les internautes à révéler au grand public le contenu de leur fourre-tout
(Le groupe Flickr « What’s in my handbag » réunit plus de 25000
membres qui dressent avec une rigueur toute militaire l’inventaire clinique des objets contenus
dans leurs sacs). Il ne s’agit pas non plus de cette approche conceptuelle qui
consiste chez Boby Doherty à établir un rapport entre le poids d’un sac (pesé
au préalable) et la radiographie détaillée de son contenu.
Le travail photographique de
Bibt relève de la mise en scène. Les objets ordinaires mis en vedette révèlent un vécu presque
oublié, oblitéré par le temps et recèlent
une charge intime qui conjugue familiarité, mystère et sacralité. Certains
objets ne cachent pas leur fonction d’usage : peigne en écaille, épingles
à nourrice, aiguille à coudre rouillée, fil à coudre, ficelle, morceau de
tulle, montre, collier, fragment de collier, chapelet, rasoir à main mécanique,
écorce de noyer séchée (souak), portraits photos en papier écornés. En
revanche, d’autres objets ne manquent pas d’évoquer les gris-gris, le
fétichisme ou la superstition en échappant à toute rationalité
fonctionnelle : petit coquillage, caillou, petits fragments de textes
manuscrits (talismans, vieux parchemins ?), mèche de cheveux, cristaux
blancs (sucre, sel, alun ?), débris de végétaux desséchés…
Dans son livre publié en
2011 aux éditions JC Lattès et intitulé « Le sac, un petit monde d’amour », le sociologue Jean-Claude Kaufmann aboutit à la conclusion
qu’il y a autant de sacs qu’il y a de femmes. Le sac est considéré comme une
prolongation-projection de sa propriétaire. C’est l’un des lieux privilégiés où
se fabrique l’identité.
Bibt n’a pas cherché à
saisir dans l’intimité du sac l’identité de sa grand-mère. Il va bien au-delà
de l’établissement d’un inventaire utilitaire. Tout d’abord il y a dans cette
série photographique un objet qui manque à l’appel : le sac lui-même. On
ne saura rien de sa forme ni de sa matière (cuir, toile, tissu…etc.). La mise en
scène, par ses rapprochements formels entre les objets, contribue également à
brouiller les pistes. Le recours métaphorique à l’eau et à ses vertus
symboliques, à ses ondulations et à ses méandres n’est-il qu’un antidote contre
le dessèchement des souvenirs et les poussières de l’oubli ? (Texte de présentation : Thami Benkirane)