« Qu’est-ce que nous réfractons ?
Les ailes que nous n’avons pas »
Cet
aphorisme de René Char (Le nu perdu, Poésie Gallimard, 1978, page 134)
sous-tend mon propos qui porte sur une photographie réalisée dans un palais de
la médina.
J’étais face à un large pan de mur
entièrement couvert par des zelliges monochromes qui font alterner de façon
rigoureuse le même motif décliné en noir et en blanc. Chaque petit morceau de
céramique émaillée considéré isolément révèle une combinaison géométrique de
trois losanges. Et par les trois pointes de ses angles, il ne manque pas
d’évoquer les profils porteurs d’un boomerang.
Je me suis amusé à fixer des yeux ces
zelliges tout en cillant et c’est ainsi que j’ai eu l’impression d’entrevoir
une nuée d’oiseaux en train de battre des ailes ! De la sorte, ce mur de
zelliges s’est mué en un captivant ballet aérien ! Les anglais ont un joli mot
pour désigner ces chorégraphies volatiles qui animent le ciel : « murmuration »
!
Cet effet optique n’a pas manqué
d’évoquer les travaux de l’artiste néerlandais Maurits Cornelis Escher dont les
réalisations puisent dans un fond d’influences multiples.
On sait, entre autres, qu’il a été
impressionné par sa visite en Espagne de l’Alhambra et en particulier par les
motifs emboités et les détails décoratifs complexes qui ornent ses murs.
Tout récemment, j’ai tenté, en
observant le passage d’oiseaux sauvages, de reproduire cette illusion optique
engendrée par ce mur de zelliges. Ces derniers demeurent avant tout un produit
de la culture puisqu’ils sont agencés et fixés par la main de l’homme. Les
battements d’ailes n’ont pas cette rigueur contenue et toute géométrique des
zelliges. Au bout des rémiges, la liberté !
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