samedi 3 avril 2021

Zelliges et rémiges

 « Qu’est-ce que nous réfractons ?

Les ailes que nous n’avons pas » 

Cet aphorisme de René Char (Le nu perdu, Poésie Gallimard, 1978, page 134) sous-tend mon propos qui porte sur une photographie réalisée dans un palais de la médina.

J’étais face à un large pan de mur entièrement couvert par des zelliges monochromes qui font alterner de façon rigoureuse le même motif décliné en noir et en blanc. Chaque petit morceau de céramique émaillée considéré isolément révèle une combinaison géométrique de trois losanges. Et par les trois pointes de ses angles, il ne manque pas d’évoquer les profils porteurs d’un boomerang.

Je me suis amusé à fixer des yeux ces zelliges tout en cillant et c’est ainsi que j’ai eu l’impression d’entrevoir une nuée d’oiseaux en train de battre des ailes ! De la sorte, ce mur de zelliges s’est mué en un captivant ballet aérien ! Les anglais ont un joli mot pour désigner ces chorégraphies volatiles qui animent le ciel : « murmuration » !

Cet effet optique n’a pas manqué d’évoquer les travaux de l’artiste néerlandais Maurits Cornelis Escher dont les réalisations puisent dans un fond d’influences multiples.

On sait, entre autres, qu’il a été impressionné par sa visite en Espagne de l’Alhambra et en particulier par les motifs emboités et les détails décoratifs complexes qui ornent ses murs.

Tout récemment, j’ai tenté, en observant le passage d’oiseaux sauvages, de reproduire cette illusion optique engendrée par ce mur de zelliges. Ces derniers demeurent avant tout un produit de la culture puisqu’ils sont agencés et fixés par la main de l’homme. Les battements d’ailes n’ont pas cette rigueur contenue et toute géométrique des zelliges. Au bout des rémiges, la liberté !

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