« A toutes les entrées, à toutes les sorties
des villes et à tous les croisements routiers, la tension était palpable !
Menace terroriste oblige, policiers et gendarmes étaient sur les dents et
multipliaient les barrages et les contrôles.
L'axe routier Essaouira-Marrakech n'était pas en
reste! Et le car qui me transportait ce jour-là accumulait plus les temps
d'arrêt que les kilomètres parcourus...
Le soleil trônait, implacable dictateur, au-dessus
de nos têtes et nous dictait haut et fort sa loi. Alentours, un paysage nu,
assoiffé et monotone peinait à avancer. Les bouteilles d’eau minérale se
vidaient et la torpeur commençait à gagner ! Le marchand de sable chaud faisait
probablement partie du voyage et un sommeil contagieux pesait brûlant sur mes
paupières…
C’est là que le chauffeur a amorcé une sortie vers
un village au bord de la route en nous annonçant : « 20 minutes d’arrêt à sidi…»
Assoupi ou assommé, je n’avais pas bien saisi le
pseudo du saint marabout: sidi Mouch, sidi Mchich, sidi Chimère, sidi Chniwla,
sidi Chwarma, sidi Chekwa llah…je ne savais plus ! Appelons-le sidi Machin et
basta !
Les voyageurs ont pris d’assaut les tables et les
chaises que des parasols de fortune soustrayaient au feu solaire…
Des enseignes peintes de façon naïve ou
rudimentaire indiquaient le menu du jour. Il y en avait une qui sortait du lot
et semblait attirer beaucoup les clients ! C’est celle du « fast fool*» local
où l’on sert la « bissara** » chère à la panse des marocains et qui dame le
pion au meilleur fast food américain !
Ayant plus soif que faim et boudant le caca cola et
autres boissons assimilées, j’ai préféré faire le tour du patelin afin de
braver le soleil et dégourdir le diaphragme de l’appareil cher à Daguerre…
C’était l’heure de la prière ! Les rues étaient pratiquement désertes et les boutiques, dans leur grande majorité, avaient portes closes. C’est qu’on ne badine pas avec le plus grand des seigneurs
. Des oraisons jaculatoires fusaient depuis la mosquée, montaient en réseaux groupés au ciel et à la faveur des trous d’ozone parvenaient aux oreilles de celui qui voit et entend tout…
Seul devant ce lieu de culte, un arbre semble avoir
irrémédiablement pété ses tympans et perdu définitivement ses illusions de
printemps. »
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* fool = foul : en arabe, cela désigne les fèves.
** bissara : purée de
fèves sèches
*** Photographies sur film argentique.