mercredi 12 mars 2014

Les choses de la grand-mère

 Du 04 au 27 avril 2014, l'artiste photographe Abdelghani Bibt expose son dernier travail intitulé "Les choses de la grand-mère". Le vernissage est prévu le vendredi 4 avril 2014 à 18 heures à la galerie Mohamed El Fassi, 1 rue Gandhi à Rabat.


Abdelghani Bibt explique sa démarche : « En fouillant dans la maison presque en ruine de ma grand-mère, j’ai découvert un petit sac renfermant des objets banals de son quotidien. En les photographiant, je n’ai pas cherché à les monter en épingle en leur donnant un sens plus élevé. Je n’ai fait que les exposer à ma lumière photographique. Ce n’est pas par amour des ruines comme disait Walter Benjamin, mais pour l’amour du chemin qui se fraie un passage au travers. »
 

Nous donnons en lecture le texte de présentation de cette série: 
Les photos qui composent cette série permettent de lever le voile sur le mystère que renferment les plis et les replis du sac de la grand-mère. Le photographe ne s’est pas contenté de dresser un inventaire distancié et froid du contenu du cabas de son aïeule.
Il ne s’agit pas ici d’inscrire le travail dans cette tendance photographique actuelle qui consiste chez les internautes à révéler au grand public le contenu de leur fourre-tout (Le groupe Flickr « What’s in my handbag » réunit plus de 25000 membres qui dressent avec une rigueur toute militaire  l’inventaire clinique des objets contenus dans leurs sacs). Il ne s’agit pas non plus de cette approche conceptuelle qui consiste chez Boby Doherty à établir un rapport entre le poids d’un sac (pesé au préalable) et la radiographie détaillée de son contenu.

Le travail photographique de Bibt relève de la mise en scène. Les objets ordinaires  mis en vedette révèlent un vécu presque oublié, oblitéré par le temps et  recèlent une charge intime qui conjugue familiarité, mystère et sacralité. Certains objets ne cachent pas leur fonction d’usage : peigne en écaille, épingles à nourrice, aiguille à coudre rouillée, fil à coudre, ficelle, morceau de tulle, montre, collier, fragment de collier, chapelet, rasoir à main mécanique, écorce de noyer séchée (souak), portraits photos en papier écornés. En revanche, d’autres objets ne manquent pas d’évoquer les gris-gris, le fétichisme ou la superstition en échappant à toute rationalité fonctionnelle : petit coquillage, caillou, petits fragments de textes manuscrits (talismans, vieux parchemins ?), mèche de cheveux, cristaux blancs (sucre, sel, alun ?), débris de végétaux desséchés…

Dans son livre publié en 2011 aux éditions JC Lattès et intitulé « Le sac, un petit monde d’amour », le sociologue Jean-Claude Kaufmann aboutit à la conclusion qu’il y a autant de sacs qu’il y a de femmes. Le sac est considéré comme une prolongation-projection de sa propriétaire. C’est l’un des lieux privilégiés où se fabrique l’identité.
Bibt n’a pas cherché à saisir dans l’intimité du sac l’identité de sa grand-mère. Il va bien au-delà de l’établissement d’un inventaire utilitaire. Tout d’abord il y a dans cette série photographique un objet qui manque à l’appel : le sac lui-même. On ne saura rien de sa forme ni de sa matière (cuir, toile, tissu…etc.). La mise en scène, par ses rapprochements formels entre les objets, contribue également à brouiller les pistes. Le recours métaphorique à l’eau et à ses vertus symboliques, à ses ondulations et à ses méandres n’est-il qu’un antidote contre le dessèchement des souvenirs et les  poussières de l’oubli ? (Texte de présentation : Thami Benkirane)